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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

d’alors, composé par des Espagnols, explique le sens véritable de la prophétie :

« Dis-moi, mon enfant, qui es-tu ? — Espagnol par la grâce de Dieu. — Quel est l’ennemi de notre félicité ? — L’empereur des Français. — Qui est-ce ? — Un méchant. — Combien a-t-il de natures ? — Deux, la nature humaine et la nature diabolique. — De qui dérive Napoléon ? — Du péché. — Quel supplice mérite l’Espagnol qui manque à ses devoirs ? — La mort et l’infamie des traîtres. — Que sont les Français ? — D’anciens chrétiens devenus hérétiques[1]. »

Bonaparte tombé a condamné en termes non équivoques son entreprise d’Espagne : « J’embarquai, dit-il, fort mal toute cette affaire. L’immoralité dut se montrer par trop patente, l’injustice par trop cynique, et le tout demeure fort vilain, puisque j’ai succombé ; car l’attentat ne se présente plus que dans sa honteuse nudité, privé de tout le grandiose

  1. Ce Catéchisme renfermait encore d’autres questions et d’autres réponses. En voici quelques-unes :

    « Combien y a-t-il d’empereurs des Français ? — Un véritable en trois personnes trompeuses. — Comment les nomme-t-on ? — Napoléon, Murat et Manuel Godoï (le prince de la Paix). — Lequel des trois est le plus méchant ? — Ils le sont tous trois également. — De qui dérive Napoléon ? — Du péché. — Murat ? — De Napoléon. — Et Godoï ? — De la fornication des deux. — Quel est l’esprit du premier ? — L’orgueil et le despotisme. — Du second ? — La rapine et la cruauté. — Du troisième ? — La cupidité, la trahison et l’ignorance. — Comment les Espagnols doivent-ils se conduire ? — D’après les maximes de N.-S.-J.-C. — Qui nous délivrera de nos ennemis ? — La confiance entre nous autres et les armes. — Est-ce un péché de mettre un Français à mort ? — Non, mon père, on gagne le ciel en tuant un de ces chiens d’hérétiques. » (Mignet, Histoire de la Révolution française, t. II, p. 336.)