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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

politique ; mais il manquait à l’Allemagne, pour arriver à la liberté, l’éducation politique, comme pour arriver à la même liberté l’éducation militaire manque à l’Italie. L’Allemagne, avec ses anciennes traditions, ressemblait à ces basiliques aux clochetons multiples, lesquelles pèchent contre les règles de l’art, mais n’en représentent pas moins la majesté de la religion et la puissance des siècles.

La confédération du Rhin est un grand ouvrage inachevé, qui demandait beaucoup de temps, une connaissance spéciale des droits et des intérêts des peuples ; il dégénéra subitement dans l’esprit de celui qui l’avait conçu : d’une combinaison profonde, il ne resta qu’une machine fiscale et militaire. Bonaparte, sa première visée de génie passée, n’apercevait plus que de l’argent et des soldats ; l’exacteur et le recruteur prenaient la place du grand homme. Michel-Ange de la politique et de la guerre, il a laissé des cartons remplis d’immenses ébauches.

Remueur de tout, Napoléon imagina vers cette époque le grand Sanhédrin[1] : cette assemblée ne lui ad-

  1. Sur l’ordre de Napoléon, une Assemblée de députés israélites se réunit à Paris, le 26 juillet 1806, à l’effet d’indiquer au gouvernement les moyens de rendre leurs coreligionnaires susceptibles de participer aux droits civils et politiques, en modifiant celles de leurs habitudes et de leurs doctrines qui les retenaient isolés de leurs concitoyens. Cette assemblée adressa à toutes les synagogues de l’empire français, du royaume d’Italie et de l’Europe une proclamation leur annonçant l’ouverture à Paris, pour le 20 octobre 1806, du grand Sanhédrin. — C’était le nom donné, à Jérusalem, au Conseil suprême des Juifs, dont les séances se tenaient dans une salle, moitié comprise dans le temple, moitié en dehors de cet édifice. — Ouvertes à Paris le 9 février 1807, les séances du grand Sanhédrin se terminèrent, le 9 mars suivant, par une déclaration solennelle et publique, ainsi conçue :