Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/203

Cette page a été validée par deux contributeurs.
191
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Le 6 mai 1802, Napoléon est élu consul pour dix ans, et bientôt consul à vie[1]. Il se trouve à l’étroit dans la vaste domination que la paix avec l’Angleterre lui avait laissée : sans s’embarrasser du traité d’Amiens, sans songer aux guerres nouvelles où sa résolution va le plonger, sous prétexte de la non-évacuation de Malte, il réunit les provinces du Piémont aux États français[2], et, en raison des troubles survenus en Suisse, il l’occupe[3]. L’Angleterre rompt avec nous : cette rupture a lieu du 13 au 20 mai 1803, et le 22 mai paraît le décret sauvage qui enjoint d’arrêter tous les Anglais commerçant ou voyageant en France.

Bonaparte envahit le 3 juin l’électorat de Hanovre : à Rome, je fermais alors les yeux d’une femme ignorée.

Le 21 mars 1804 amène la mort du duc d’Enghien : je vous l’ai racontée. Le même jour, le Code civil ou le Code Napoléon est décrété pour nous apprendre à respecter les lois[4].

Quarante jours après la mort du duc d’Enghien, un membre du Tribunat, nommé Curée, fait, le 30 avril 1804, la motion d’élever Bonaparte au suprême pouvoir, apparemment parce qu’on avait juré la liberté : jamais maître plus éclatant n’est sorti de la proposition d’un esclave plus obscur[5].

  1. Le Sénatus-Consulte proclamant Napoléon Bonaparte consul à vie est du 2 août 1802.
  2. Le 11 septembre 1802.
  3. Le 21 octobre 1802.
  4. Ce fut, en effet, la loi du 30 ventôse an XII (21 mars 1804), qui réunit sous le titre de Code civil des Français toutes lois sur les matières civiles précédemment votées par le Corps législatif.
  5. Jean-François Curée (1756-1835), avait fait successivement