Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/197

Cette page a été validée par deux contributeurs.
185
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

et apaisait nos querelles ; il aimait beaucoup les femmes et n’aurait voulu mériter leur amour que par son amour pour la gloire. » À son débarquement en Europe, il reçut une lettre du premier consul qui l’appelait auprès de lui ; elle l’attendrit, et Desaix disait : « Ce pauvre Bonaparte est couvert de gloire, et il n’est pas heureux. » Lisant dans les journaux la marche de l’armée de réserve, il s’écriait : « Il ne nous laissera rien à faire. » Il lui laissait à lui donner la victoire et à mourir.

Desaix fut inhumé sur le haut des Alpes, à l’hospice du Mont-Saint-Bernard, comme Napoléon sur les mornes de Sainte-Hélène.

Kléber assassiné trouva la mort en Égypte, de même que Desaix la rencontra en Italie. Après le départ du commandant en chef, Kléber avec onze mille hommes défait cent mille Turcs sous les ordres du grand vizir, à Héliopolis[1], exploit auquel Napoléon n’a rien à comparer.

Le 16 juin, convention d’Alexandrie. Les Autrichiens se retirent sur la rive gauche du bas Pô. Le sort de l’Italie est décidé dans cette campagne appelée de trente jours.

Le triomphe d’Hochstedt obtenu par Moreau[2] console l’ombre de Louis XIV[3]. Cependant l’armistice

  1. La victoire d’Héliopolis est du 20 mars.
  2. Le 19 juin 1800.
  3. Comme Moreau, Villars, le 20 septembre 1702, avait remporté à Hochstedt une glorieuse victoire ; mais, le 13 août 1704, les Français et les Bavarois, commandés par le maréchal de Tallart et l’Électeur de Bavière, avaient été entièrement défaits par le prince Eugène de Savoie et le duc de Marlborough. Les Anglais ont donné à cette dernière bataille le nom de Blenheim, village situé dans la même plaine qu’Hochstedt.