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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

rendit et fut reçue à merci : deux jours après, Bonaparte ordonna de la passer par les armes[1].

Walter Scott[2] et sir Robert Wilson[3] ont raconté ces massacres ; Bonaparte, à Sainte-Hélène, n’a fait aucune difficulté de les avouer à lord Ebrington et au

  1. « Le 7 mars, les Français prirent la ville d’assaut, et pendant trente heures massacrèrent sans distinction soldats et habitants. Il restait à peu près trois mille hommes de la garnison qui s’étaient réfugiés dans les mosquées et avaient mis bas les armes. Bonaparte les fit fusiller en masse, bien que son armée désapprouvât cet égorgement décrété de sang-froid. Pour justifier cette boucherie, on prétendit qu’il aurait été impossible de nourrir un si grand nombre de prisonniers, et que parmi eux se trouvaient les soldats de la garnison d’El-Arisch qui avaient violé leur serment de ne plus servir contre les Français. Mais, d’après les rapports de Bonaparte, on avait trouvé à Jaffa, et précédemment à Gaza et à Ramla, des quantités de vivres plus que suffisantes pour nourrir, avec tous les captifs, une armée bien plus nombreuse que la sienne. Comme les soldats de la garnison d’El-Arisch ne formaient pas le tiers des prisonniers de Jaffa, Bonaparte commettait évidemment un acte de barbarie atroce en faisant égorger avec eux deux mille malheureux qui n’avaient fait que leur devoir. » Ludovic Sciout, le Directoire, tome IV, page 621.
  2. Vie de Napoléon, par Walter Scott (1827), tome II.
  3. Sir Robert-Thomas Wilson (1777-1849). Il avait combattu les Français en Égypte, avec le régiment formé par le baron de Hompesch. Après son retour en Angleterre, il publia une Relation historique de l’expédition anglaise en Égypte (2 vol. in-8, Londres, 1802). En 1811, il fit paraître la Relation des campagnes de Pologne en 1806 et 1807, avec des remarques sur le caractère et la composition de l’armée russe. Lors de la campagne de 1812, il fut attaché au quartier général de l’armée russe et y joua un rôle des plus importants. On le retrouve en 1815 à Paris, où avec deux autres officiers anglais, MM. Bruce et Hutchinson, il favorise l’évasion de Lavallette, et, en 1823, en Espagne, où il met son épée au service des Cortès. Après l’avènement de Guillaume IV (1830), il fut élevé au grade de lieutenant général. Nommé en 1842 gouverneur de Gibraltar, il quitta ce poste quelques semaines seulement avant sa mort.