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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

deux havres et dans le phare. Égorgement effroyable ! L’adjudant général Boyer écrit à ses parents : « Les Turcs, repoussés de tous côtés, se réfugient chez leur Dieu et leur prophète ; ils remplissent leurs mosquées ; hommes, femmes, vieillards, jeunes et enfants, tous sont massacrés. »

Bonaparte avait dit à l’évêque de Malte : « Vous pouvez assurer vos diocésains que la religion catholique, apostolique et romaine sera non seulement respectée, mais ses ministres spécialement protégés. » Il dit, en arrivant en Égypte : « Peuples d’Égypte, je respecte plus que les mameloucks Dieu, son Prophète et le Coran. Les Français sont amis des musulmans. Naguère ils ont marché sur Rome et renversé le trône du pape, qui aigrissait les chrétiens contre ceux qui professent l’islamisme ; bientôt après ils ont dirigé leur course vers Malte, et en ont chassé les incrédules qui se croyaient appelés de Dieu pour faire la guerre aux musulmans… Si l’Égypte est la ferme des mamelouks, qu’ils montrent le bail que Dieu leur en a fait[1]. »

Napoléon marche aux Pyramides[2]; il crie à ses soldats : « Songez que du haut de ces monuments quarante siècles ont les yeux fixés sur vous, » Il entre au Caire[3], sa flotte saute en l’air à Aboukir[4]; l’armée d’Orient est séparée de l’Europe. Jullien (de la Drôme), fils de Jullien le conventionnel, témoin du désastre, le note minute par minute :

  1. Proclamation du 2 juillet 1798.
  2. 21 juillet.
  3. 23 juillet.
  4. 1er août.