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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

me promener dans le jardin des Tuileries avec M. de Fontanes par un vent d’ouest affreux ; nous étions à l’abri de la terrasse du bord de l’eau. M. de Fontanes me dit : — Peut-être, dans ce moment-ci, un coup de cette horrible tempête va le faire naufrager. Nous avons su depuis que ce pressentiment faillit se réaliser. Je note ceci pour exprimer la vive amitié, l’intérêt pour la gloire littéraire de M. de Chateaubriand, qui devait s’accroître par ce voyage ; les nobles, les profonds et rares sentiments qui animaient M. de Fontanes, homme excellent dont j’ai reçu aussi de grands services, et dont je vous recommande de vous souvenir devant Dieu. »

Si je devais vivre et si je pouvais faire vivre dans mes ouvrages les personnes qui me sont chères, avec quel plaisir j’emmènerais avec moi tous mes amis !

Plein d’espérance, je rapportai sous mon toit ma poignée de glanes ; mon repos ne fut pas de longue durée.

Par une suite d’arrangements, j’étais devenu seul propriétaire du Mercure[1]. M. Alexandre de Laborde publia, vers la fin du mois de juin 1807, son voyage en Espagne ; au mois de juillet, je fis dans le Mercure l’article dont j’ai cité des passages en parlant de la mort du duc d’Enghien : Lorsque dans le silence de l’abjection, etc. Les prospérités de Bonaparte, loin de me soumettre, m’avaient révolté ; j’avais pris une énergie nouvelle dans mes sentiments et dans les tempêtes. Je ne portais pas en vain un visage brûlé par le

  1. Chateaubriand l’avait acheté de M. de Fontanes pour une somme de 20 000 francs (Préface des Mélanges littéraires, tome XVI des Œuvres complètes).