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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

la France avec Nice et Tende. Napoléon avance toujours, et il écrit à Carnot :


« Du quartier général, à Plaisance, 9 mai 1796.

« Nous avons enfin passé le Pô : la seconde campagne est commencée ; Beaulieu est déconcerté ; il calcule assez mal, et donne constamment dans les pièges qu’on lui tend. Peut-être voudra-t-il donner une bataille, car cet homme-là a l’audace de la fureur, et non celle du génie. Encore une victoire, et nous sommes maîtres de l’Italie. Dès l’instant que nous arrêterons nos mouvements, nous ferons habiller l’armée à neuf. Elle est toujours à faire peur ; mais tout engraisse ; le soldat ne mange que du pain de Gonesse, bonne viande et en quantité, etc. La discipline se rétablit tous les jours ; mais il faut souvent fusiller, car il est des hommes intraitables qui ne peuvent se commander. Ce que nous avons pris à l’ennemi est incalculable. Plus vous m’enverrez d’hommes, plus je les nourrirai facilement. Je vous fais passer vingt tableaux des premiers maîtres, du Corrége et de Michel-Ange. Je vous dois des remercîments particuliers pour les attentions que vous voulez bien avoir pour ma femme. Je vous la recommande : elle est patriote sincère, et je l’aime à la folie. J’espère que les choses vont bien, pouvant vous envoyer une douzaine de millions à Paris ; cela ne vous fera pas de mal pour l’armée du Rhin. Envoyez-moi quatre mille cavaliers démontés, je chercherai ici à les remonter. Je ne vous cache pas que, depuis la mort de Stengel, je n’ai plus un offi-