Prodigieuse illusion des partis !
Je rencontrai mon cousin Armand de Chateaubriand : il me prit sous sa protection, assembla les Bretons et plaida ma cause. On me fit venir ; je m’expliquai : je dis que j’arrivais de l’Amérique pour avoir l’honneur de servir avec mes camarades ; que la campagne était ouverte, non commencée, de sorte que j’étais encore à temps pour le premier feu ; qu’au surplus, je me retirerais si on l’exigeait, mais après avoir obtenu raison d’une insulte non méritée. L’affaire s’arrangea : comme j’étais bon enfant, les rangs s’ouvrirent pour me recevoir et je n’eus plus que l’embarras du choix.
L’armée des princes était composée de gentilshommes, classés par provinces et servant en qualité de simples soldats : la noblesse remontait à son origine et à l’origine de la monarchie, au moment même où cette noblesse et cette monarchie finissaient, comme un vieillard retourne à l’enfance. Il y avait en outre des brigades d’officiers émigrés de divers régiments, également redevenus soldats : de ce nombre étaient mes camarades de Navarre, conduits par leur colonel, le marquis de Mortemart. Je fus bien tenté de m’enrôler avec La Martinière[1], dût-il encore être amoureux ; mais le patriotisme armoricain l’emporta. Je m’engageai dans la septième compagnie bretonne, que commandait M. de Goyon-Miniac[2]. La noblesse