Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/628

Cette page a été validée par deux contributeurs.
598
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ajouter de son chef, sans rien inventer. On a là la preuve, pour la partie des Mémoires qui va de 1804 à 1815, qu’ils sont scrupuleusement, minutieusement exacts. Nous savons déjà qu’il en est de même pour la partie antérieure à 1804. Peut-être aurons-nous à constater plus tard qu’il n’en va pas autrement pour les années qui suivent 1815.

Chateaubriand, je viens de le dire, ne s’est jamais écarté, dans ses récits, des indications qui lui étaient fournies par les notes de sa femme. Il ne cesse de les suivre que lorsqu’il y rencontre sur quelques-uns de ses contemporains des jugements trop rigoureux. Charitable envers les pauvres, douce aux malheureux, Mme de Chateaubriand n’était pas toujours tendre pour les puissants du monde, surtout s’ils étaient soupçonnés de n’admirer pas suffisamment son mari. Sur le cardinal Fesch, en particulier, et sur le duc de Richelieu, elle a des passages extrêmement durs. Elle a de très jolies malices à l’endroit de Mme de Staël, de M. Beugnot ou de M. Pasquier. Chateaubriand reproduit ce qui précède et ce qui suit, il supprime les duretés et les malices. Dans un certain sens, au moins, il y avait quelque chose de vrai dans le mot que répétait souvent l’auteur du Cahier rouge : « M. de Chateaubriand est meilleur que moi. »


XI

le conseiller réal et l’anecdote du duc de rovigo[1].


Voici l’anecdote :

Après l’exécution du jugement, dit le duc de Rovigo, je repris le chemin de Paris. J’approchais de la barrière, lorsque je rencontrai M. Réal qui se rendait à Vincennes en costume de conseiller d’État. Je l’arrêtai pour lui demander où il allait : « À Vincennes, me répondit-il ; j’ai reçu hier au soir l’ordre de m’y

  1. Ci-dessus, page 449.