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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Les cinq volumes du Génie étaient trop gros et trop chers pour aller à tous les acheteurs ; ils renfermaient, par endroits, de trop vives peintures, pour être mis dans toutes les mains. Une édition chrétienne, c’est-à-dire abrégée et corrigée, à l’usage de la jeunesse et des écoles, était demandée. Pour se livrer à un travail de ce genre et y réussir, il fallait, avec une grande délicatesse d’âme et de foi, le sincère dévouement d’un ami. Clausel remplissait à merveille ces conditions ; aussi s’acquitta-t-il de sa tâche avec un plein succès. Son édition abrégée du Génie du Christianisme fut plusieurs fois réimprimée.

Clausel avait moins bien réussi dans ses propres entreprises de librairie ; ses dernières ressources commençaient à s’épuiser. Il fut donc heureux d’être choisi par le Sénat, le 17 février 1807, comme député de l’Aveyron au Corps législatif, mandat qui lui fut renouvelé le 6 janvier 1813. Une indemnité de 10 000 francs était alors allouée à chaque député. En 1811, Cambacérès, son ancien collègue à la cour des aides de Montpellier, le fit nommer conseiller à la cour d’appel de cette ville. Comme il n’y avait pas d’incompatibilité entre ces fonctions et celles de membre du Corps législatif, il continua d’habiter Paris une partie de l’année, et alors il voyait chaque jour les Chateaubriand et les Joubert. Madame de Chateaubriand l’appelait, dès cette époque « notre meilleur ami ». Il était pourtant à Montpellier au mois de juillet 1811, ce qui lui valait de recevoir cette charmante lettre de Mme de Chateaubriand, l’une des plus jolies qu’elle ait écrites :


Val-du-Loup, ce 27 juillet 1811.

Bien que l’air et le ton de **** me déplaisent également, il suffit, mon cher ami, que vous l’aimiez pour que j’aie un grand plaisir à faire quelque chose qui lui soit agréable. J’irai donc incessamment à la Marine solliciter un brevet de mort pour son neveu.