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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

puisqu’il appartient à l’histoire, relève de la chronique, je le veux bien ; mais ces femmes qui ont vécu dans l’ombre, qui n’ont jamais joué aucun rôle, a-t-on le droit aujourd’hui de les mettre en scène, de venir, après un demi-siècle et plus, raconter leurs amours, vider leurs tiroirs et jeter en pâture à la malignité publique leurs lettres les plus intimes ?

Quoiqu’il en soit, M. Bardoux a pris texte des relations de Mme de Custine et de Chateaubriand pour présenter sous un jour odieux le caractère du grand écrivain. Il a fait de Mme de Custine une victime misérablement trahie, lâchement abandonnée ; il a fait de Chateaubriand un froid adorateur, sans scrupules, sans remords et sans pitié.

Il y avait peut-être quelque témérité, de la part de M. Bardoux, à mettre ainsi tous les torts à la charge de l’une des parties, alors que les pièces principales du procès lui faisaient défaut. De la correspondance échangée entre Chateaubriand et Mme de Custine, il ne possédait rien, en effet, si ce n’est une lettre et quelques billets à peu près insignifiants. Cette correspondance existait pourtant ; elle était aux mains d’un heureux collectionneur, M. Chédieu de Robethon. Ce dernier n’avait pas moins de quarante lettres de Chateaubriand à Mme de Custine. Or, ces lettres, loin de s’accorder avec les sévérités dont l’illustre écrivain venait d’être l’objet, le disculpaient, au contraire, complètement. Ne devenait-il pas dès lors nécessaire de les publier ? M. de Robethon l’a pensé avec d’autant plus de raison, qu’il ne pouvait être accusé de révéler au public les faiblesses de la vie de Mme de Custine : après le livre de M. Bardoux, il ne restait plus une indiscrétion à commettre.


À quelle époque Chateaubriand et Mme de Custine se sont-ils connus ? comment est né ce long attachement