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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

annonça aux sages du monde le Dieu inconnu ; mais le profane vient après le sacré, et je ne dédaigne pas de descendre au Pirée, où Socrate fait le plan de sa République. Je monte au sommet du Parnasse, je cueille les lauriers de Delphes et je goûte les délices du Tempé.

« Quand est-ce que le sang des Turcs se mêlera avec celui des Perses sur les plaines de Marathon, pour laisser la Grèce entière à la religion, à la philosophie et aux beaux-arts, qui la regardent comme leur patrie ?

. . . . . . . . . . Arva, beata
Petamus arva divites et insulas.

« Je ne t’oublierai pas, ô île consacrée par les célestes visions du disciple bien-aimé ; ô heureuse Pathmos, j’irai baiser sur la terre les pas de l’Apôtre, et je croirai voir les cieux ouverts. Là, je me sentirai saisi d’indignation contre le faux prophète, qui a voulu développer les oracles du véritable, et je bénirai le Tout-Puissant, qui, loin de précipiter l’Église comme Babylone, enchaîne le dragon et la rend victorieuse. Je vois déjà le schisme qui tombe, l’Orient et l’Occident qui se réunissent, et l’Asie qui voit renaître le jour après une si longue nuit ; la terre sanctifiée par les pas du Sauveur et arrosée de son sang, délivrée de ses profanateurs, et revêtue d’une nouvelle gloire ; enfin les enfants d’Abraham épars sur toute la terre, et plus nombreux que les étoiles du firmament, qui, rassemblés des quatre vents, viendront en foule reconnaître le Christ