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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ques semaines, de me recevoir chez vous, ainsi que mon ami M. de Saint-Laumer ; en vous apportant une lettre d’Abou-Gosch, nous venions vous dire combien on trouvait de nouveaux mérites à votre Itinéraire en le lisant sur les lieux, et comme on appréciait jusqu’à son titre même, tout humble et tout modeste que vous l’ayez choisi, en le voyant justifié à chaque pas par l’exactitude scrupuleuse des descriptions, fidèles encore aujourd’hui, sauf quelques ruines de plus ou de moins, seul changement de ces contrées, etc.

« Jules Folentlot. »
Rue Caumartin, no 23.

Mon exactitude tient à mon bon sens vulgaire ; je suis de la race des Celtes et des tortues, race pédestre ; non du sang des Tartares et des oiseaux, races pourvues de chevaux et d’ailes. La religion, il est vrai, me ravit quelquefois dans ses bras ; mais quand elle me remet à terre, je chemine, appuyé sur mon bâton, me reposant aux bornes pour déjeuner de mon olive et de mon pain bis. Si je suis moult allé en bois, comme font volontiers les François, je n’ai, cependant, jamais aimé le changement pour le changement ; la route m’ennuie : j’aime seulement le voyage à cause de l’indépendance qu’il me donne, comme j’incline vers la campagne, non pour la campagne mais pour la solitude. « Tout ciel m’est un, » dit Montaigne, « vivons entre les nôtres, allons mourir et rechigner entre les inconnus. »

Il me reste aussi de ces pays d’Orient quelques autres lettres parvenues à leur adresse plusieurs mois après leur date. Des Pères de la Terre sainte, des