Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/560

Cette page a été validée par deux contributeurs.
530
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Je traversai d’un bout à l’autre cette Espagne où, seize années plus tard, le ciel me réservait un grand rôle, en contribuant à étouffer l’anarchie chez un noble peuple et à délivrer un Bourbon : l’honneur de nos armes fut rétabli, et j’aurais sauvé la légitimité, si la légitimité avait pu comprendre les conditions de sa durée.

Julien ne me lâche pas qu’il ne m’ait ramené sur la place Louis XV, le 5 juin 1807, à trois heures après midi. De Grenade, il me conduit à Aranjuez, à Madrid, à l’Escurial, d’où il saute à Bayonne.

« Nous sommes repartis de Bayonne, dit-il, le mardi 9 mai, pour Pau, Tarbes, Baréges et Bordeaux, où nous sommes arrivés le 18, très fatigués, avec chacun un mouvement de fièvre. Nous en sommes repartis le 19, et nous avons passé à Angoulême et à Tours, et nous sommes arrivés le 28 à Blois où nous avons couché. Le 31, nous avons continué notre route jusqu’à Orléans, et ensuite nous avons fait notre dernier coucher à Angerville[1]. »

J’étais là, à une poste d’un château[2] dont mon long voyage ne m’avait point fait oublier les habitants. Mais les jardins d’Armide, où étaient-ils ? Deux ou trois fois, en retournant aux Pyrénées, j’ai aperçu du

  1. Angerville est sur la grande route directe d’Orléans à Paris ; c’était, au temps de Chateaubriand, un relai de poste sur cette route.
  2. Le château de Malesherbes, situé à six kilomètres d’Angerville. Il appartenait à Louis de Chateaubriand, le neveu du grand écrivain. Il est aujourd’hui la propriété de Mme la marquise de Beaufort, née de Chateaubriand.