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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

voyions, à la fin du jour, que nous allions avoir une mauvaise nuit, nous montions sur le pont. Vers minuit, je faisais notre punch. Je commençais toujours à en donner à notre pilote et aux quatre matelots, ensuite j’en servais à Monsieur, à l’officier et à moi ; mais nous ne prenions pas cela aussi tranquillement que dans un café. Cet officier avait beaucoup plus d’usage que le capitaine ; il parlait très bien français, ce qui nous a été très agréable dans notre trajet. »

Nous continuons notre navigation et nous mouillons devant les îles Kerkeni.


MON ITINÉRAIRE.

« Un orage du sud-est s’éleva à notre grande joie, et en cinq jours nous arrivâmes dans les eaux de l’île de Malte. Nous la découvrîmes la veille de Noël ; mais, le jour de Noël même, le vent se rangeant à l’ouest-nord-ouest, nous chassa au midi de Lampedouse. Nous restâmes dix-huit jours sur la côte orientale du royaume de Tunis, entre la vie et la mort. Je n’oublierai de ma vie la journée du 28.

« Nous jetâmes l’ancre devant les îles de Kerkeni. Nous restâmes huit jours à l’ancre dans la petite Syrte, où je vis commencer l’année 1807. Sous combien d’astres et dans combien de fortunes diverses j’avais déjà vu se renouveler pour moi les années, qui passent si vite ou qui sont si longues ! Qu’ils étaient loin de moi ces temps de mon enfance où je recevais avec un cœur palpitant de joie la bénédiction et les présents paternels ! Comme ce premier jour de l’année