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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

mîmes amitié et souvenance : j’acquitte aujourd’hui ma dette.

« Nous levâmes l’ancre à deux heures. Un pilote nous mit hors du port. Le vent était faible et de la partie du midi. Nous restâmes trois jours à la vue de la colonne de Pompée, que nous découvrions à l’horizon. Le soir du troisième jour, nous entendîmes le coup de canon de retraite du port d’Alexandrie. Ce fut comme le signal de notre départ définitif, car le vent du nord se leva, et nous fîmes voile à l’occident.

« Le 1er décembre, le vent, se fixant à l’ouest, nous barra le chemin. Peu à peu il descendit au sud-ouest et se changea en une tempête qui ne cessa qu’à notre arrivée à Tunis. Pour occuper mon temps, je copiais et mettais en ordre les notes de ce voyage et les descriptions des Martyrs. La nuit, je me promenais sur le pont avec le second, le capitaine Dinelli. Les nuits passées au milieu des vagues, sur un vaisseau battu de la tempête, ne sont pas stériles ; l’incertitude de notre avenir donne aux objets leur véritable prix : la terre, contemplée du milieu d’une mer orageuse, ressemble à la vie considérée par un homme qui va mourir. »


ITINÉRAIRE DE JULIEN.

« Après notre sortie du port d’Alexandrie, nous avons été assez bien pendant les premiers jours, mais cela n’a pas duré, car nous avons toujours eu mauvais temps et mauvais vent pendant le reste du trajet. Il y avait toujours de garde sur le pont un officier, le pilote et quatre matelots. Quand nous