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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

en avait que deux pour Monsieur, ce qui l’amusait beaucoup de me voir porter comme une châsse. Je ne sais si ma mise leur a paru plus brillante que celle de Monsieur ; il avait une redingote brune et boutons pareils, la mienne était blanchâtre, avec des boutons de métal blanc qui jetaient assez d’éclat par le soleil qu’il faisait ; c’est ce qui a pu, sans doute, leur causer cette méprise.

« Nous sommes entrés le mercredi 1er octobre chez les religieux de Jaffa, qui sont de l’ordre des Cordeliers, parlant latin et italien, mais très peu français. Il nous ont très bien reçus et ont fait tout leur possible pour nous procurer tout ce qui nous était nécessaire. »

J’arrive à Jérusalem. — Par le conseil des Pères du couvent, je traverse vite la cité sainte pour aller au Jourdain. — Après m’être arrêté au couvent de Bethléem, je pars avec une escorte d’Arabes ; je m’arrête à Saint-Saba. — À minuit, je me trouve au bord de la mer Morte.

MON ITINÉRAIRE.

« Quand on voyage dans la Judée, d’abord un grand ennui saisit le cœur ; mais lorsque, passant de solitude en solitude, l’espace s’étend sans bornes devant vous, peu à peu l’ennui se dissipe, on éprouve une terreur secrète qui, loin d’abaisser l’âme, donne du courage et élève le génie. Des aspects extraordinaires décèlent de toutes parts une terre travaillée par des miracles : le soleil brûlant, l’aigle impétueux, le figuier stérile, toute la poésie, tous les tableaux de