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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de notre trajet jusqu’à Smyrne. Le 10, qui était un dimanche, Monsieur a fait aborder près d’une ville turque nommée Modon, où il a débarqué pour aller en Grèce. Dans les passagers qui étaient avec nous, il y avait deux Milanais, qui allaient à Smyrne, pour faire leur état de ferblantier et fondeur d’étain. Dans les deux, il y en avait un, nommé Joseph, qui parlait assez bien la langue turque, à qui Monsieur proposa de venir avec lui comme domestique interprète, et dont il fait mention dans son Itinéraire. Il nous dit en nous quittant que ce voyage ne serait que de quelques jours, qu’il rejoindrait le bâtiment à une île où nous devions passer dans quatre ou cinq jours, et qu’il nous attendrait dans cette île, s’il y arrivait avant nous. Comme Monsieur trouvait en cet homme ce qui lui convenait pour ce petit voyage (de Sparte et d’Athènes), il me laissa à bord pour continuer ma route jusqu’à Smyrne et avoir soin de tous nos effets. Il m’avait remis une lettre de recommandation près le consul français, pour le cas où il ne nous rejoindrait pas ; c’est ce qui est arrivé. Le quatrième jour, nous sommes arrivés à l’île indiquée. Le capitaine est descendu à terre et Monsieur n’y était pas. Nous avons passé la nuit et l’avons attendu jusqu’à sept heures du matin. Le capitaine est retourné à terre pour prévenir qu’il était forcé de partir ayant bon vent et obligé qu’il était de tenir compte de son trajet. De plus, il voyait un pirate qui cherchait à nous approcher, il était urgent de se mettre promptement en défense. Il fit charger ses quatre pièces de canon et monter sur le pont ses fusils, pistolets et armes blanches ; mais,