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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

et ennuyeux comme un protocole, barbouillait de gros romans. Il lisait un jour à madame de Coislin une description : une amante en larmes et abandonnée pêchait mélancoliquement un saumon. Madame de Coislin, qui s’impatientait et n’aimait pas le saumon, interrompit l’auteur, et lui dit de cet air sérieux qui la rendait si comique : « Monsieur Hennin, ne pourriez-vous faire prendre un autre poisson à cette dame ? »

Les histoires que faisait madame de Coislin ne pouvaient se retenir, car il n’y avait rien dedans ; tout était dans la pantomime, l’accent et l’air de la conteuse : jamais elle ne riait. Il y avait un dialogue entre monsieur et madame Jacqueminot, dont la perfection passait tout. Lorsque, dans la conversation entre les deux époux, madame Jacqueminot répliquait : « Mais, monsieur Jacqueminot ! » ce nom était prononcé d’un tel ton qu’un fou rire vous saisissait. Obligée de le laisser passer, madame de Coislin attendait gravement, en prenant du tabac.

Lisant dans un journal la mort de plusieurs rois, elle ôta ses lunettes et dit en se mouchant : « Il y a une épizootie sur les bêtes à couronne. »

    d’estampes et de médailles. Privé de ce qui avait été la joie et la consolation de sa vie, le vieil Hennin travailla jusqu’à la fin, apprenant des langues, « barbouillant de gros romans », ébauchant un grand poème : l’Illusion, dont il dut sans doute faire subir plus d’un fragment à son amie la marquise de Coislin. Il mourut, à près de 80 ans, le 5 juillet 1807. — Voir, pour la vie de Pierre-Michel Hennin, la notice qui se trouve en tête de sa correspondance avec Voltaire, notice rédigée par son fils, et les pages que lui a consacrées M. Frédéric Masson dans son excellent livre sur le Département des Affaires étrangères pendant la Révolution.