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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

garde ; c’est tout dire aux braves. Sa dernière blessure, il l’a reçue de Malet, dont le plomb impuissant est resté perdu dans un visage qui ne s’est jamais détourné du boulet. Frappé de cécité, retiré du monde, n’ayant pour consolation que les soins de sa famille (ce sont ses propres paroles), le juge du duc d’Enghien semble sortir de son tombeau à l’appel du souverain juge ; il plaide sa cause[1] sans se faire illusion et sans s’excuser :

« Qu’on ne se méprenne point, dit-il, sur mes intentions. Je n’écris point par peur, puisque ma personne est sous la protection de lois émanées du trône même, et que, sous le gouvernement d’un roi juste, je n’ai rien à redouter de la violence et de l’arbitraire. J’écris pour dire la vérité, même en tout ce qui peut m’être contraire. Ainsi, je ne prétends justifier ni la forme, ni le fond du jugement, mais je veux montrer sous l’empire et au milieu de quel concours de circonstances il a été rendu ; je veux éloigner de moi et de mes collègues l’idée que nous ayons agi comme des hommes de parti. Si l’on doit nous blâmer encore, je veux aussi qu’on dise de nous : Ils ont été bien malheureux ! »

Le général Hulin affirme que, nommé président d’une commission militaire, il n’en connaissait pas le but ; qu’arrivé à Vincennes, il l’ignorait encore ; que les autres membres de la commission l’ignoraient également ; que le commandant du château, M. Harel[2],

  1. Sa brochure a pour titre : « Explications offertes aux hommes impartiaux par M. le comte Hulin, au sujet de la Commission militaire instituée en l’an XII pour juger le duc d’Enghien. — 1823.
  2. On trouve de curieux détails sur ce personnage dans les