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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Dimanche 18, on vient m’enlever à une heure et demie du matin. On ne me laisse que le temps de m’habiller. J’embrasse mes malheureux compagnons, mes gens. Je pars seul avec deux officiers de gendarmerie et deux gendarmes. Le colonel Charlot m’a annoncé que nous allons chez le général de division, qui a reçu des ordres de Paris. Au lieu de cela, je trouve une voiture avec six chevaux de poste sur la place de l’Église. Le lieutenant Petermann y monte à côté de moi, le maréchal des logis Blitersdorff sur le siège, deux gendarmes en dedans, l’autre en dehors. »

Ici le naufragé, prêt à s’engloutir, interrompt son journal de bord.

Arrivée vers les quatre heures du soir à l’une des barrières de la capitale, où vient aboutir la route de Strasbourg, la voiture, au lieu d’entrer dans Paris, suivit le boulevard extérieur et s’arrêta au château de Vincennes. Le prince, descendu de la voiture dans la cour intérieure, est conduit dans une chambre de la forteresse, on l’y enferme et il s’endort. À mesure que le prince approchait de Paris, Bonaparte affectait un calme qui n’était pas naturel. Le 18 mars, il partit pour la Malmaison ; c’était le dimanche des Rameaux. Madame Bonaparte, qui, comme toute sa famille, était instruite de l’arrestation du prince, lui parla de cette arrestation. Bonaparte lui répondit : « Tu n’entends rien à la politique. » Le colonel Savary[1] était devenu

  1. Anne-Jean-Marie-René Savary, duc de Rovigo (1774-1833), général de division (7 février 1805), créé duc (23 mai 1808), ministre de la police générale (8 juin 1810), pair aux Cent-Jours, commandant de l’armée d’Algérie (1831-1832). — Aide de camp de Desaix, il était à ses côtés, à Marengo, lorsque le