sion[1]. Madame de Chateaubriand ne s’y opposa point et me vit écrire avec un grand courage. Elle ne se dissimulait pas mes dangers : on faisait le procès au général Moreau et à Georges Cadoudal[2] ; le lion avait goûté le sang, ce n’était pas le moment de l’irriter.
M. Clausel de Coussergues[3] arriva sur ces entrefaites ; il avait aussi entendu crier l’arrêt. Il me trouva la plume à la main : ma lettre, dont il me fit supprimer, par pitié pour madame de Chateaubriand, des phrases de colère, partit ; elle était au ministre des relations extérieures. Peu importait la rédaction : mon opinion et mon crime étaient dans le fait de ma démission : Bonaparte ne s’y trompa pas. Madame Bacciochi jeta les hauts cris en apprenant ce qu’elle appe-
- ↑ Voici le texte de la lettre de démission de Chateaubriand :
« Citoyen ministre,
« Les médecins viennent de me déclarer que Mme de Chateaubriand est dans un état de santé qui fait craindre pour sa vie. Ne pouvant absolument quitter ma femme dans une pareille circonstance, ni l’exposer au danger d’un voyage, je supplie Votre Excellence de trouver bon que je lui remette les lettres de créance et les instructions qu’elle m’avait adressées pour le Valais. Je me confie encore à son extrême bienveillance pour faire agréer au Premier Consul les motifs douloureux qui m’empêchent de me charger aujourd’hui de la mission dont il avait bien voulu m’honorer. Comme j’ignore si ma position exige quelque autre démarche, j’ose espérer de votre indulgence ordinaire, citoyen ministre, des ordres et des conseils ; je les recevrai avec la reconnaissance que je ne cesserai d’avoir pour vos bontés passées.
« J’ai l’honneur de vous saluer respectueusement,
« Chateaubriand.« Paris, rue de Beaune, hôtel de France.« 1er germinal an XII (22 mars 1804). » - ↑ Moreau avait été arrêté le 15 février ; Pichegru, le 28, et Georges Cadoudal le 9 mars 1804.
- ↑ Voir l’Appendice no IX : les Quatre Clausel.