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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

pondance avec l’empereur. Je n’ai pas cru avoir le droit d’user de ma puissance à mon profit. Si, par hasard, on recherchait ces documents, on les trouverait à leur place. Que cette manière d’agir soit une duperie, je le veux bien ; mais, pour ne pas me faire le mérite d’une vertu que je n’ai pas, il faut qu’on sache que ce respect des correspondances de mes détracteurs tient plus à mon mépris qu’à ma générosité. J’ai vu aussi dans les archives de l’ambassade à Berlin des lettres offensantes de M. le marquis de Bonnay[1] à mon égard : loin de me ménager, je les ferai connaître.

M. le cardinal Fesch ne gardait pas plus de retenue avec le pauvre abbé Guillon (l’évêque du Maroc) : il était signalé comme un agent de la Russie. Bonaparte traitait M. Lainé d’agent de l’Angleterre : c’étaient là de ces commérages dont ce grand homme avait pris la méchante habitude dans des rapports de police. Mais n’y avait-il rien à dire contre M. Fesch lui-même ? Le cardinal de Clermont-Tonnerre était à Rome comme moi, en 1803 ; que n’écrivait-il point de l’oncle de Napoléon ! J’ai les lettres.

Au reste, à qui ces contentions, ensevelies depuis quarante ans dans des liasses vermoulues, importent-elles ? Des divers acteurs de cette époque un seul restera, Bonaparte. Nous tous qui prétendons vivre, nous sommes déjà morts : lit-on le nom de l’insecte à la

  1. « Je puis, dit ici M. de Marcellus (Chateaubriand et son temps, p. 149), je puis attester ce scrupuleux respect pour l’histoire et cette abnégation de soi-même. J’en ai été le confident ; j’en ai tenu les preuves dans mes mains, et, si M. de Chateaubriand a commis des fautes dans sa carrière politique, il n’a rien fait pour en supprimer les traces. »