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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ouvrage avec une admiration qui doit vous flatter dans un homme et de son mérite et de son opinion. Mais que vais-je vous parler de vos succès, dans un tel moment ? Cependant elle les aimait ces succès, elle y attachait sa gloire. Continuez de rendre illustre celui qu’elle a tant aimé. Adieu, mon cher François. Je vous écrirai de Weimar en Saxe. Répondez-moi là, chez MM. Desport, banquiers. Que dans votre récit il y a des mots déchirants ! Et cette résolution de garder la pauvre Saint-Germain : vous l’amènerez une fois dans ma maison.

« Adieu tendrement : douloureusement adieu.

« N. de Staël. »

Cette lettre empressée, affectueusement rapide, écrite par une femme illustre, me causa un redoublement d’attendrissement. Madame de Beaumont aurait été bien heureuse dans ce moment, si le ciel lui eût permis de renaître ! Mais nos attachements, qui se font entendre des morts, n’ont pas le pouvoir de les délivrer : quand Lazare se leva de la tombe, il avait les pieds et les mains liés avec des bandes et le visage enveloppé d’un suaire : or, l’amitié ne saurait dire, comme le Christ à Marthe et à Marie : « Déliez-le, et le laissez aller. »

Ils sont passés aussi mes consolateurs, et ils me demandent pour eux les regrets qu’ils donnaient à une autre.


J’étais déterminé à quitter cette carrière des affaires où des malheurs personnels étaient venus se mêler à la médiocrité du travail et à d’intimes tracasseries po-