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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

suis bien profondément affligé de cette perte, et elle vient noircir encore cette vie qui, depuis longtemps, n’est plus que de la souffrance pour moi. Ainsi donc passe et s’efface de dessus la terre tout ce qu’il y a de bon, d’aimable et de sensible. Mon pauvre ami, dépêchez-vous de repasser en France ; venez chercher quelques consolations auprès de votre vieux ami. Vous savez si je vous aime : venez.

« J’étais dans la plus grande inquiétude sur vous : il y avait plus de trois mois que je n’avais reçu de vos nouvelles, et trois de mes lettres sont restées sans réponse. Les avez-vous reçues ? Madame de Caud a cessé tout à coup de m’écrire, il y a deux mois. Cela m’a causé une peine mortelle, et cependant je crois n’avoir aucun tort à me reprocher envers elle. Mais, quoi qu’elle fasse, elle ne pourra m’ôter l’amitié tendre et respectueuse que je lui ai vouée pour la vie. Fontanes et Joubert ont aussi cessé de m’écrire ; ainsi, tout ce que j’aimais semble s’être réuni pour m’oublier à la fois. Ne m’oubliez pas, ô vous, mon bon ami, et que sur cette terre de larmes il me reste encore un cœur sur lequel je puisse compter ! Adieu ! je vous embrasse en pleurant. Soyez sûr, mon bon ami, que je sens votre perte comme on doit la sentir. »


23 novembre 1803.

LETTRE DE M. DE FONTANES.

« Je partage tous vos regrets, mon cher ami : je sens la douleur de votre situation. Mourir si jeune