éloignement, il ne se passe pas de jour où je ne lise quelques feuilles de ton ouvrage : je fais tous mes efforts pour croire t’entendre. L’amitié que j’ai pour toi est bien naturelle : dès notre enfance, tu as été mon défenseur et mon ami ; jamais tu ne m’as coûté une larme, et jamais tu n’as fait un ami sans qu’il soit devenu le mien. Mon aimable frère, le ciel, qui se plaît à se jouer de toutes mes autres félicités, veut que je trouve mon bonheur tout en toi, que je me confie à ton cœur. Donne-moi vite des nouvelles de madame de Beaumont. Adresse-moi tes lettres chez mademoiselle Lamotte, quoique je ne sache pas quel espace de temps j’y pourrai rester. Depuis notre dernière séparation, je suis toujours, à l’égard de ma demeure, comme un sable mouvant qui me manque sous les pieds : il est bien vrai que pour quiconque ne me connaît pas, je dois paraître inexplicable ; cependant je ne varie que de forme, car le fond reste constamment le même. »
La voix du cygne qui s’apprêtait à mourir fut transmise par moi au cygne mourant : j’étais l’écho de ces ineffables et derniers concerts !
Une autre lettre, bien différente de celle-ci, mais écrite par une femme dont le rôle a été extraordinaire, madame de Krüdener[1], montre l’empire que
- ↑ Julie de Wietinghoff, baronne de Krüdener, née à Riga (Livonie), le 21 novembre 1764, doublement célèbre comme romancière et comme mystique. Elle venait de publier, précisément en 1803, le meilleur de ses romans Valérie ou Lettres de Gustave de Linar à Ernest de G… Soudain, vers 1807, au roman mondain succéda pour elle le roman religieux. Elle crut