Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

sel, le buste, la baignoire, la lampe et l’écritoire de la divinité. Puis le vent tourna : l’immondice, versée de l’urne d’agate dans un autre vase, fut vidée à l’égout.


Les scènes des Cordeliers, dont je fus trois ou quatre fois le témoin, étaient dominées et présidées par Danton, Hun à taille de Goth, à nez camus, à narines au vent, à méplats couturés, à face de gendarme mélangé de procureur lubrique et cruel. Dans la coque de son église, comme dans la carcasse des siècles, Danton, avec ses trois furies mâles, Camille Desmoulins, Marat, Fabre d’Églantine, organisa les assassinats de septembre. Billaud de Varennes[1] proposa de

  1. Jacques-Nicolas Billaud-Varenne, né à La Rochelle le 23 avril 1756. Député de Paris à la Convention nationale et membre du Comité de salut public, il ne cessa de pousser aux mesures les plus atroces. Condamné à la déportation le 1er avril 1795, il fut conduit à la Guyane et resta vingt ans à Sinnamari. En 1816, ayant réussi à s’enfuir, il se réfugia à Port-au-Prince, dans la République de Haïti, dont le président, Péthion, lui fit une pension, ne voulant pas se souvenir que Billaud avait été, en France, le plus ardent persécuteur de son homonyme, Petion de Villeneuve. — Billaud, lorsqu’il avait quitté l’Oratoire et le collège de Juilly, où il avait été professeur laïque, dispensé, à ce titre, de porter le costume de l’ordre, était venu se fixer à Paris, et s’était fait inscrire, en 1785, sur le tableau des avocats au Parlement, sous le nom de Billaud de Varenne. Varenne était un petit village des environs de La Rochelle dans lequel son père possédait une ferme. C’est donc à tort que tous les historiens, et Chateaubriand avec eux, orthographient son nom : Billaud-Varennes, comme s’il eût tiré cette addition à son nom de la ville où Louis XVI fut arrêté le 21 juin 1791. — À la veille de la Révolution, le futur membre du Comité de salut public ne négligea rien pour se glisser dans les rangs de la noblesse. Lors de son mariage, célébré dans l’église Saint-André-des-Arts le 12 septembre 1786, il signa bravement Billaud de Varenne. Bientôt même il ne tarda pas à faire disparaître, le plus qu’il le pouvait, le nom paternel, et à lui substituer dans ses relations