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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

d’achever son ban en Italie. C’est avec lui que je visitai les ruines de Rome et que je vis mourir madame de Beaumont ; deux choses qui ont lié sa vie à la mienne. Critique plein de goût, il m’a donné, ainsi que son frère, d’excellents conseils pour mes ouvrages. Il eût montré un vrai talent de parole, s’il avait été appelé à la tribune. Longtemps légitimiste, ayant subi l’épreuve de la prison du Temple et celle de la déportation à l’île d’Elbe, ses principes sont, au fond, demeurés les mêmes. Je resterai fidèle au compagnon de mes mauvais jours ; toutes les opinions politiques de la terre seraient trop payées par le sacrifice d’une heure d’une sincère amitié : il suffit que je reste invariable dans mes opinions, comme je reste attaché à mes souvenirs.

Vers le milieu de mon séjour à Rome, la princesse Borghèse arriva : j’étais chargé de lui remettre des souliers de Paris. Je lui fus présenté ; elle fit sa toilette devant moi : la jeune et jolie chaussure qu’elle mit à ses pieds ne devait fouler qu’un instant cette vieille terre[1].

    port pour l’étranger et alla à Naples, où il devint successivement, sous le roi Joseph, intendant des Abruzzes, puis de la Calabre, et, sous Joachim Murat membre du Conseil d’État. Quand Murat se tourna contre la France, il le quitta, et rentra en Franche-Comté où il s’occupa, jusqu’à sa mort, d’agriculture et d’industrie. Il n’avait jamais voulu accepter, de Joseph et de Murat, ni titres, ni décoration ; et c’est pour cela que Chateaubriand, toujours si exact, même dans les plus petits détails, l’appelle « le républicain M. Briot ».

  1. Marie-Pauline Bonaparte, née à Ajaccio, le 20 septembre 1780, morte à Florence, le 9 juin 1825. Elle avait été mariée deux fois : 1o en 1797, au général Leclerc ; 2o en 1803, au prince Camille Borghèse. Elle fut duchesse de Guastalla de 1806 à 1814.