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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

propriétaire des Débats[1], m’assista de son amitié dans une circonstance douloureuse. Exilé à l’île d’Elbe par l’homme qui, revenant à son tour de l’île d’Elbe, le poussa à Gand, M. Bertin avait obtenu, en 1803, du républicain M. Briot[2] que j’ai connu, la permission

  1. Louis-François Bertin, dit Bertin l’Aîné (1766-1841). Vers la fin de 1799, Louis Bertin et son frère Bertin de Vaux acquirent en commun avec Roux-Laborie et l’imprimeur Le Normant, moyennant vingt mille francs, le Journal des Débats et des Décrets, petite feuille qui existait depuis 1789, et qui se bornait à publier le compte rendu des discussions législatives et les actes de l’autorité. En quelques semaines, les nouveaux propriétaires l’eurent complètement transformée, et le Journal des Débats eut vite fait de gagner la faveur du public. Mais alors que le journal réussissait brillamment, son principal propriétaire et son rédacteur en chef, Louis Bertin, fut arrêté, sur le vague soupçon d’avoir pris part à une conspiration royaliste. Enfermé au Temple, il y passa l’année 1800 presque toute entière, puis à la prison succéda l’exil. Un ordre arbitraire le relégua à l’île d’Elbe. Il obtint à grand’peine la permission de passer en Italie, où la résidence de Florence, et plus tard celle de Rome, lui fut assignée. C’est à Rome qu’il connut Chateaubriand et devint son ami. Las de l’exil et de ses sollicitations sans résultat auprès du ministre de la Police, il prit, au commencement de 1804, le parti assez aventureux de revenir en France sans autorisation, mais avec un passeport que Chateaubriand lui avait complaisamment procuré. Il dut, pendant assez longtemps, se tenir caché, tantôt dans sa maison de la Bièvre, tantôt à Paris. Chateaubriand, revenu en France, mit tout en œuvre pour obtenir que M. Bertin cessât enfin d’être persécuté. (Voir l’Appendice no VII : Chateaubriand et madame de Custine.) — Lorsque Chateaubriand partit de Paris, en 1822, pour l’ambassade de Londres, il emmena avec lui comme secrétaire intime le fils aîné de son ami, Armand Bertin.
  2. Pierre-Joseph Briot (1771-1827). Député du Doubs au Conseil des Cinq-Cents, il s’était montré, au 18 brumaire, l’un des plus ardents adversaires de Bonaparte. Il n’en avait pas moins été nommé, le 28 janvier 1803, grâce à la protection de Lucien, commissaire général du gouvernement à l’île d’Elbe, et c’est en cette qualité qu’il avait autorisé M. Bertin à passer en Italie. À l’avènement de l’Empire, Briot demanda un passe-