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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

niers moments d’une société expirante, et soutenir les premiers pas d’une société au berceau.


Il était impossible que les vérités développées dans le Génie du Christianisme ne contribuassent pas au changement des idées. C’est encore à cet ouvrage que se rattache le goût actuel pour les édifices du moyen âge : c’est moi qui ai rappelé le jeune siècle à l’admiration des vieux temples. Si l’on a abusé de mon opinion ; s’il n’est pas vrai que nos cathédrales aient approché de la beauté du Parthénon ; s’il est faux que ces églises nous apprennent dans leurs documents de pierre des faits ignorés ; s’il est insensé de soutenir que ces mémoires de granit nous révèlent des choses échappées aux savants Bénédictins ; si à force d’entendre rabâcher du gothique on en meurt d’ennui, ce n’est pas ma faute. Du reste, sous le rapport des arts, je sais ce qui manque au Génie du Christianisme ; cette partie de ma composition est défectueuse, parce qu’en 1800 je ne connaissais pas les arts : je n’avais vu ni l’Italie, ni la Grèce, ni l’Égypte. De même, je n’ai pas tiré un parti suffisant des vies des saints et des légendes ; elles m’offraient pourtant des histoires merveilleuses : en y choisissant avec goût, on y pouvait faire une moisson abondante. Ce champ des richesses de l’imagination du moyen âge surpasse en fécondité les Métamorphoses d’Ovide et les fables milésiennes. Il y a, de plus, dans mon ouvrage des jugements étriqués ou faux, tels que celui que je porte sur Dante, auquel j’ai rendu depuis un éclatant hommage.

Sous le rapport sérieux, j’ai complété le Génie du