On doit à Talma la perfection de la tenue de l’acteur. Mais la vérité du théâtre et le rigorisme du vêtement sont-ils aussi nécessaires à l’art qu’on le suppose ? Les personnages de Racine n’empruntent rien de la coupe de l’habit : dans les tableaux des premiers peintres, les fonds sont négligés et les costumes inexacts. Les fureurs d’Oreste ou la prophétie de Joad, lues dans un salon par Talma en frac, faisaient autant d’effet que déclamées sur la scène par Talma en manteau grec ou en robe juive. Iphigénie était accoutrée comme madame de Sévigné, lorsque Boileau adressait ces beaux vers à son ami :
Jamais Iphigénie en Aulide immolée
N’a coûté tant de pleurs à la Grèce assemblée
Que, dans l’heureux spectacle à nos yeux étalé,
N’en a fait sous son nom verser la Champmeslé.
Cette correction dans la représentation de l’objet inanimé est l’esprit des arts de notre temps : elle annonce la décadence de la haute poésie et du vrai drame ; on se contente des petites beautés, quand on est impuissant aux grandes ; on imite, à tromper l’oeil, des fauteuils et du velours, quand on ne peut plus peindre la physionomie de l’homme assis sur ce velours et dans ces fauteuils. Cependant, une fois descendu à cette vérité de la forme matérielle, on se trouve forcé de la reproduire ; car le public, matérialisé lui-même, l’exige.
Cependant j’achevais le Génie du Christianisme[1] :
- ↑ C’est à Savigny, où il passa l’été et l’automne de 1801, que Chateaubriand acheva le Génie du Christianisme. Dans les pre-