dignes et pour un misérable bonheur ! Notre désenchantement inévitable nous avertit que nos destinées sont plus sublimes. Quelles qu’aient été nos erreurs, si nous avons conservé une âme sérieuse et pensé à vous au milieu de nos faiblesses, nous serons transportés, quand votre bonté nous délivrera, dans cette région où les attachements sont éternels !
Je ne tardai pas à recevoir le châtiment de ma vanité d’auteur, la plus détestable de toutes, si elle n’en était la plus bête : j’avais cru pouvoir savourer in petto la satisfaction d’être un sublime génie, non en portant, comme aujourd’hui, une barbe et un habit extraordinaires, mais en restant accoutré de la même façon que les honnêtes gens, distingué seulement par ma supériorité : inutile espoir ! mon orgueil devait être puni ; la correction me vint des personnes politiques que je fus obligé de connaître : la célébrité est un bénéfice à charge d’âmes.
M. de Fontanes était lié avec madame Bacciochi[1] ; il me présenta à la sœur de Bonaparte, et bientôt au frère du premier consul, Lucien[2]. Celui-ci avait une maison
- ↑ Marie-Anne Bonaparte, dite Élisa (1774-1820), mariée en 1797 à son compatriote Félix-Pascal Bacciochi ; princesse de Lucques et de Piombino en 1805, grande-duchesse de Toscane de 1808 à 1814 ; elle prit, en 1815, le titre de comtesse de Compignano. « Elle protégeait hautement le poète Fontanes », dit le baron de Méneval dans ses Mémoires, tome I, p. 67.
- ↑ « M. de Chateaubriand, revenu de l’émigration avant l’amnistie, avait été présenté par M. de Fontanes, son ami intime, à Mme Bacciochi, sœur du Premier Consul, et à son frère Lucien Bonaparte. Le frère et la sœur se déclarèrent les protecteurs de M. de Chateaubriand. » Mémoires du baron de Méneval, tome I, page 84.