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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

D’Egmont avec l’Amour visita cette rive :
 Une image de sa beauté
Se peignit un moment sur l’onde fugitive :
D’Egmont a disparu ; l’Amour seul est resté.

Lorsque je quittai la France, les théâtres de Paris retentissaient encore du Réveil d’Épiménide[1] et de ce couplet :

J’aime la vertu guerrière
De nos braves défenseurs,
Mais d’un peuple sanguinaire
Je déteste les fureurs.
À l’Europe redoutables,
Soyons libres à jamais,
Mais soyons toujours aimables
Et gardons l’esprit français.

À mon retour, il n’était plus question du Réveil d’Épiménide ; et si le couplet eût été chanté, on aurait fait un mauvais parti à l’auteur. Charles IX avait prévalu. La vogue de cette pièce tenait principalement aux circonstances ; le tocsin, un peuple armé de poignards, la haine des rois et des prêtres, offraient une répétition à huis clos de la tragédie qui se jouait publiquement ; Talma, débutant, continuait ses succès.

Tandis que la tragédie rougissait les rues, la bergerie florissait au théâtre ; il n’était question que d’innocents pasteurs et de virginales pastourelles : champs, ruisseaux, prairies, moutons, colombes, âge d’or sous le chaume, revivaient aux soupirs du pipeau devant les

  1. Sur le Réveil d’Épiménide et sur son auteur Carbon de Flins, voir, au tome I, la note de la page 219 (note 11 du Livre V).