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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Byron ; ce morceau se trouvera surtout complété quand on aura lu ce que je redirai du grand poète en passant à Venise.

Il y aura peut-être quelque intérêt à remarquer dans l’avenir la rencontre des deux chefs de la nouvelle école française et anglaise, ayant un même fonds d’idées, des destinées, sinon des mœurs, à peu près pareilles : l’un pair d’Angleterre, l’autre pair de France, tous deux voyageurs dans l’Orient, assez souvent l’un près de l’autre, et ne se voyant jamais : seulement la vie du poète anglais a été mêlée à de moins grands événements que la mienne.

Lord Byron est allé visiter après moi les ruines de la Grèce : dans Childe-Harold, il semble embellir de ses propres couleurs les descriptions de l’Itinéraire. Au commencement de mon pèlerinage, je reproduis l’adieu du sire de Joinville à son château ; Byron dit un égal adieu à sa demeure gothique.

Dans les Martyrs, Eudore part de la Messénie pour se rendre à Rome : « Notre navigation fut longue, dit-il,… nous vîmes tous ces promontoires marqués par des temples ou des tombeaux… Mes jeunes compagnons n’avaient entendu parler que des métamorphoses de Jupiter, et ils ne comprirent rien aux débris qu’ils avaient sous les yeux ; moi, je m’étais déjà assis, avec le prophète, sur les ruines des villes désolées, et Babylone m’enseignait Corinthe[1]. »

Le poète anglais est comme le prosateur français, derrière la lettre de Sulpicius à Cicéron[2] ; — une

  1. Les Martyrs, livre IV.
  2. Lettres de Cicéron, lib. IV, épist. V, ad Familiares.