Adieu, ma cousine de jadis, qui m’aimez toujours comme vous m’aimiez lorsque nous écoutions ensemble la complainte de notre bonne tante de Boisteilleul sur l’Épervier, ou lorsque vous assistiez au relèvement du vœu de ma nourrice, à l’abbaye de Nazareth ! Si vous me survivez, agréez la part de reconnaissance et d’affection que je vous lègue ici. Ne croyez pas au faux sourire ébauché sur mes lèvres en parlant de vous : mes yeux, je vous assure, sont pleins de larmes.
Mes études corrélatives au Génie du christianisme m’avaient de proche en proche (je vous l’ai dit) conduit à un examen plus approfondi de la littérature anglaise. Lorsqu’en 1793 je me réfugiai en Angleterre, il me fallut réformer la plupart des jugements que j’avais puisés dans les critiques. En ce qui touche les historiens, Hume[1] était réputé écrivain tory et rétrograde : on l’accusait, ainsi que Gibbon, d’avoir surchargé la langue anglaise de gallicismes ; on lui préférait son continuateur Smollett[2]. Philosophe pendant sa vie, devenu chrétien à sa mort, Gibbon[3] demeurait, en cette qualité, atteint et con-
- ↑ David Hume (1711-1776). Il a composé l’Histoire de l’Angleterre au moyen âge ; l’Histoire de la maison de Tudor ; l’Histoire de l’Angleterre sous les Stuarts.
- ↑ Tobias-George Smollett (1721-1771), poète, romancier, historien. Son Histoire complète d’Angleterre, depuis la descente de Jules-César jusqu’au traité d’Aix-la-Chapelle (1748), continuée ensuite jusqu’en 1760, a été traduite en français par Targe (1759-1768, 24 vol. in-12). La partie qui va de la Révolution de 1688 à la mort de George II (1760) s’imprime ordinairement à la suite de Hume, à titre de complément.
- ↑ Édouard Gibbon (1737-1794). Son Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, publiée de 1776 à 1788, a été plusieurs fois traduite en français.