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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de ma mère. Quand la lettre me parvint au delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé. Je suis devenu chrétien. Je n’ai point cédé, j’en conviens, à de grandes lumières surnaturelles : ma conviction est sortie du cœur ; j’ai pleuré et j’ai cru. »

Je m’exagérais ma faute ; l’Essai n’était pas un livre impie, mais un livre de doute et de douleur. À travers les ténèbres de cet ouvrage, se glisse un rayon de la lumière chrétienne qui brilla sur mon berceau. Il ne fallait pas un grand effort pour revenir du scepticisme de l’Essai à la certitude du Génie du christianisme.


Lorsque après la triste nouvelle de la mort de madame de Chateaubriand, je me résolus à changer subitement de voie, le titre de Génie du christianisme que je trouvai sur-le-champ m’inspira ; je me mis à l’ouvrage ; je travaillai avec l’ardeur d’un fils qui bâtit un mausolée à sa mère. Mes matériaux étaient dégrossis et rassemblés de longue main par mes précédentes études. Je connaissais les ouvrages des Pères mieux qu’on ne les connaît de nos jours ; je les avais étudiés même pour les combattre, et entré dans cette route à mauvaise intention, au lieu d’en être sorti vainqueur, j’en étais sorti vaincu.

Quant à l’histoire proprement dite, je m’en étais spécialement occupé en composant l’Essai sur les Révolutions. Les authentiques de Camden que je venais d’examiner m’avaient rendu familières les