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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Belloy, femme digne d’attachement, le comte de Montlosier et le chevalier de Panat[1]. Ce dernier avait une réputation méritée d’esprit, de malpropreté et de gourmandise : il appartenait à ce parterre d’hommes de goût, assis autrefois les bras croisés devant la société française ; oisifs dont la mission était de tout regarder et de tout juger, ils exerçaient les fonctions qu’exercent maintenant les journaux, sans en avoir l’âpreté, mais aussi sans arriver à leur grande influence populaire.

Montlosier était resté à cheval sur la renommée de sa fameuse phrase de la croix de bois, phrase un peu ratissée par moi quand je l’ai reproduite, mais vraie au fond[2]. En quittant la France, il se rendit à Coblentz : mal reçu des princes, il eut une querelle, se battit la nuit au bord du Rhin et fut embroché. Ne pouvant

    fortune ; le roi pourvut aux frais de ses funérailles. Ses Mémoires ont été publiés par son petit-fils, en 1868.

  1. Le chevalier de Panat, né en 1762, était frère de deux députés aux États-Généraux. Il servit dans la marine, émigra en 1792, se lia à Hambourg avec Rivarol, à Londres avec Malouet, Montlosier et Chateaubriand, rentra en France sous le Consulat et fut employé au ministère de la Marine. En 1814, il devint contre-amiral et secrétaire général de l’amirauté. C’est lui qui rédigea un petit ouvrage, publié en 1795, sous le nom d’un de ses camarades, et dans lequel on trouve des détails intéressants sur l’affaire de Quiberon, la Relation de Chaumereix, officier de marine échappé des prisons d’Auray et de Vannes. (Voir, au tome II, p. 456, des Mémoires de Malouet, la lettre du chevalier de Panat à Mallet du Pan.)
  2. Voici le texte de la fameuse phrase, où se reconnaît, en effet, la main de Chateaubriand : « Je ne crois pas, messieurs, quoi qu’on puisse faire, qu’on parvienne à forcer les évêques à quitter leur siège. Si on les chasse de leur palais, ils se retireront dans la cabane du pauvre qu’il ont nourri. Si on leur ôte une croix d’or, ils prendront une croix de bois ; c’est une croix de bois qui a sauvé le monde. »