Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

son inscription, me rappelait de si cruelles destinées. Quelque chose de mystérieux et de fatal s’attachait à cet anneau que ma belle-sœur semblait m’envoyer du séjour des morts, en mémoire d’elle et de mon frère. Je l’ai remis à son fils ; puisse-t-il ne pas lui porter malheur !

Cher orphelin, image de ta mère,
Au ciel pour toi, je demande ici-bas,
Les jours heureux retranchés à ton père
Et les enfants que ton oncle n’a pas[1].

Ce mauvais couplet et deux ou trois autres sont le seul présent que j’aie pu faire à mon neveu lorsqu’il s’est marié.

Un autre monument m’est resté de ces malheurs : voici ce que m’écrit M. de Contencin, qui, en fouillant dans les archives de la ville, a trouvé l’ordre du tribunal révolutionnaire qui envoyait mon frère et sa famille à l’échafaud :

« Monsieur le vicomte,

« Il y a une sorte de cruauté à réveiller dans une âme qui a beaucoup souffert le souvenir des maux qui l’ont affectée le plus douloureusement. Cette pensée m’a fait hésiter quelque temps à vous offrir un bien triste document qui, dans mes recherches historiques, m’est tombé sous la main. C’est un acte de décès signé avant la mort par un homme qui s’est toujours montré implacable comme elle, toutes les

  1. Voir, au tome I, l’Appendice no III : Le comte Louis de Chateaubriand.