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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

devait retirer, en 1807, l’auteur du Génie du Christianisme ?

Ce lieu me plaît ; il a remplacé pour moi les champs paternels ; je l’ai payé du produit de mes rêves et de mes veilles ; c’est au grand désert d’Atala que je dois le petit désert d’Aulnay ; et, pour me créer ce refuge, je n’ai pas, comme le colon américain, dépouillé l’Indien des Florides. Je suis attaché à mes arbres ; je leur ai adressé des élégies, des sonnets, des odes. Il n’y a pas un seul d’entre eux que je n’aie soigné de mes propres mains, que je n’aie délivré du ver attaché à sa racine, de la chenille collée à sa feuille ; je les connais tous par leurs noms, comme mes enfants : c’est ma famille, je n’en ai pas d’autre, j’espère mourir auprès d’elle.

Ici, j’ai écrit les Martyrs, les Abencerages, l’Itinéraire et Moïse ; que ferai-je maintenant dans les soirées de cet automne ? Ce 4 octobre 1811, anniversaire de ma fête et de mon entrée à Jérusalem[1], me tente à commencer l’histoire de ma vie. L’homme qui ne donne

    M. A. Jal, en 1864 (Dictionnaire critique de biographie et d’histoire, pages 1283 et suivantes), a établi d’une façon certaine, à l’aide des registres de la paroisse de Saint-André-des-Arcs, que Voltaire était né à Paris, le dimanche 21 novembre 1694. Voltaire, du reste, avait dit lui-même, dans sa lettre du 17 juin 1768 à M. de Parcieux : « Que puis-je faire, sinon plaindre la ville où je suis né ?… Je vous remercie en qualité de Parisien, et quand mes compatriotes cesseront d’être Welches, je les louerai tant que je pourrai. » L’année suivante, dans son Épître à Boileau, il disait à l’auteur des Satires :

    Dans la cour du Palais je naquis ton voisin.

  1. Le 4 octobre, l’Église célèbre la fête de saint François d’Assises. Chateaubriand avait reçu au baptême les prénoms de François-René. — Il était entré à Jérusalem le 4 octobre 1806. (Itinéraire de Paris à Jérusalem, Tome I, p. 286.)