une porte derrière lui ; il tourne la tête et aperçoit un homme qui le regardait avec des yeux hagards et étincelants. Mon père tire du feu de grosses pincettes dont on se servait pour remuer les quartiers d’arbres dans le foyer ; armé de ces tenailles rougies, il se lève : l’homme s’effraye, sort de la salle, traverse la cour intérieure, se précipite sur le perron et s’échappe à travers la nuit.
VII
le cousin moreau et sa mère[1]
Vers 1866 — ou, pour être tout à fait exact, en 1867 — M. Alexandre Dumas fils a publié, avec grand succès, un roman intitulé l’Affaire Clémenceau. Se doutait-il qu’un siècle auparavant, en 1766, au plus fort de la querelle de La Chalotais et du duc d’Aiguillon, une autre « affaire Clémenceau » avait été lancée à Rennes, et que le roman chalotiste avait fait plus de tapage que le sien ? Le livre d’Alexandre Dumas avait pour second titre : Mémoire à consulter. Or, j’ai sous les yeux quelques-uns des nombreux écrits publiés à Rennes et à Paris sur l’affaire de 1766, et l’un d’eux a de même pour titre : Mémoire à consulter pour le sieur Clémenceau. Je vais essayer de résumer aussi brièvement que possible ce Mémoire oublié, qui dut intéresser tout particulièrement la mère de Chateaubriand, puisqu’aussi bien, nous le savons, elle s’était « jetée avec ardeur dans l’affaire La Chalotais », et qu’elle retrouvait, parmi les personnages dont il était question dans le Mémoire à consulter, sa propre sœur et l’un de ses neveux.
Un Normand en résidence à Rennes, le sieur Bouquerel, avait écrit à M. de Saint-Florentin[2] une lettre anonyme
- ↑ Ci-dessus, p. 176.
- ↑ Le comte de Saint-Florentin (1705-1777) était fils de L. Philippeaux, marquis de La Vrillière, ministre de la maison de Louis XV. Il occupa lui-même, pendant cinquante-deux ans, différents ministères, notamment celui de la maison du roi et celui de l’intérieur. Louis XV le créa duc en 1770.