baptême du duc de Bordeaux[1], et j’ai donné la démission de mon ambassade par fidélité politique à M. de Villèle sorti du ministère[2]. Rendu à mes loisirs, écrivons. À mesure que ces Mémoires se remplissent de mes années écoulées, ils me représentent le globe inférieur d’un sablier constatant ce qu’il y a de tombé de ma vie : quand tout le sable sera passé, je ne retournerais pas mon horloge de verre, Dieu m’en eût-il donné la puissance.
La nouvelle solitude dans laquelle j’entrai en Bretagne, après ma présentation, n’était plus celle de Combourg ; elle n’était ni aussi entière, ni aussi sérieuse, et, pour tout dire, ni aussi forcée : il m’était loisible de la quitter ; elle perdait de sa valeur. Une vieille châtelaine armoriée, un vieux baron blasonné, gardant dans un manoir féodal leur dernière fille et leur dernier fils, offraient ce que les Anglais appellent des caractères : rien de provincial, de rétréci dans cette vie, parce qu’elle n’était pas la vie commune.
Chez mes sœurs, la province se retrouvait au milieu des champs : on allait dansant de voisins en voisins, jouant la comédie dont j’étais quelquefois un mauvais acteur. L’hiver, il fallait subir à Fougères la société d’une petite ville, les bals, les assemblées, les dîners, et je ne pouvais pas, comme à Paris, être oublié.
D’un autre côté, je n’avais pas vu l’armée, la cour,
- ↑ On lit dans le Moniteur du dimanche 29 avril 1821, sous la rubrique : Paris, 28 avril : « M. le vicomte de Chateaubriand, ministre plénipotentiaire de France à Berlin, est arrivé avant-hier à Paris. » Le baptême du duc de Bordeaux eut lieu à Notre-Dame le 1er mai 1821.
- ↑ M. de Villèle sortit du ministère le 27 juillet 1821 ; Chateaubriand donna sa démission d’ambassadeur le 31 juillet.