sur la monarchie contrefaite de juillet comme un singe sur le dos d’un chameau[1] ». Ces choses-là se paient.
Les bonapartistes n’étaient pas non plus pour être satisfaits des Mémoires. Si l’auteur avait célébré, en termes magnifiques, le génie et la gloire de Napoléon, il n’en était pas moins resté, dans son dernier livre, le Chateaubriand de 1804 et de 1814, l’homme qui avait jeté sa démission à la face du meurtrier du duc d’Enghien et qui, dix ans plus tard, avait, dans un pamphlet immortel, et d’une voix bien autrement autorisée que celle du Sénat, proclamé la déchéance de l’empereur.
Les républicains, à leur tour, firent campagne avec les bonapartistes. Chateaubriand avait été l’ami d’Armand Carrel ; il avait même été seul, pendant plusieurs années à prendre soin de sa sépulture et à entretenir des fleurs sur sa tombe. Mais, en 1850, il y avait beau temps que Carrel était oublié des gens de son parti ! En revanche, ils n’étaient pas gens à mettre en oubli tant de pages des Mémoires où les géants de 93 étaient ramenés à leurs vraies proportions, où leurs noms et leurs crimes étaient marqués d’un stigmate indélébile.
Sainte-Beuve attacha le grelot. Il était de ceux qui flairent le vent et qui le suivent. N’avait-il pas, d’ailleurs, à se venger des adulations qu’il avait si longtemps prodiguées au grand écrivain ? Le moment était venu pour lui de brûler ce qu’il avait adoré. Le 18 mai 1850, alors que les Mémoires n’avaient pas encore fini de paraître, il publia dans le Constitutionnel un premier article suivi, le 27 mai et le 30 septembre, de deux autres, tout remplis, comme le premier, de dextérité, de finesse et, à côté de malices piquantes, de sous-entendus perfides[2].
Après le maître, vinrent les critiques à la suite, de toute plume et de toute opinion. Ce fut une exécution en règle.