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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

donnés qui environnent Saint-Jean-de-Latran et Sainte-Croix-de-Jérusalem, à Rome. Des clairières se panachent d’élégantes et hautes fougères ; des champs de genêts et d’ajoncs resplendissent de leurs fleurs qu’on prendrait pour des papillons d’or. Les haies, au long desquelles abondent la fraise, la framboise et la violette, sont décorées d’aubépines, de chèvrefeuille, de ronces dont les rejets bruns et courbés portent des feuilles et des fruits magnifiques. Tout fourmille d’abeilles et d’oiseaux ; les essaims et les nids arrêtent les enfants à chaque pas. Dans certains abris, le myrte et le laurier-rose croissent en pleine terre, comme en Grèce ; la figue mûrit comme en Provence ; chaque pommier, avec ses fleurs carminées, ressemble à un gros bouquet de fiancée de village.

Au XIIe siècle, les cantons de Fougères, Rennes, Bécherel, Dinan, Saint-Malo et Dol, étaient occupés par la forêt de Brécheliant ; elle avait servi de champ de bataille aux Francs et aux peuples de la Domnonée. Wace raconte qu’on y voyait l’homme sauvage, la fontaine de Berenton et un bassin d’or. Un document historique du XVe siècle, les Usemens et coutumes de la forêt de Brécilien, confirme le roman de Rou[1] : elle

  1. Le roman de Rou (Rollon, duc de Normandie), fut composé au XIIe siècle par le trouvère normand Robert Wace. L’immense forêt qui couvrait la partie centrale de la péninsule armoricaine y est, en effet, appelée la forêt de Brecheliant. Chez d’autres poètes du moyen-âge, ce nom devient Brecilien ou Brecelien, Breseliand, Bersillant, ou plus généralement Broceliande. L’un d’eux en donne cette explication :
    E ce fu en Broceliande,
    Une broce (une forêt) en une lande.

    (Voir Brocéliande et ses chevaliers, par M. Baron du Taya, p. 6, et Histoire de Bretagne, par Arthur de la Borderie, tome I. p. 44, 45.)