Page:Chateaubriand - Les Natchez, 1872.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Des tourbillons de fumée s’élèvent des
cabanes voisines (page 84).
colonie, trompés dans leur premier espoir, convoitaient plus que jamais les concessions dont ils se voyaient privés, et Chépar, humilié d’avoir été arrêté par des sauvages, se promettait, quand il aurait réuni de nouveaux soldats, de faire oublier le mauvais succès d’une démarche précipitée.

Cependant on ne recevait aux Natchez aucune nouvelle du Soleil et de son armée : les messagers envoyés au Grand Chef pour l’instruire de l’attaque des Français n’étaient point revenus. L’inquiétude commençait à se répandre, et l’on remarquait dans Akansie une agitation extraordinaire.

Toute la tendresse de Céluta, qui n’était plus alarmée pour Outougamiz sorti du combat couvert de gloire, s’était portée sur le frère d’Amélie. Outougamiz aurait déjà volé vers René, s’il n’eût été occupé par ordre des sachems, à donner les fêtes de l’hospitalité aux guerriers des tribus alliées, qui s’étaient trouvés au combat. Outougamiz disait à sa sœur : « Sois tranquille ; mon ami aura triomphé comme moi. C’est à son manitou que je dois la victoire ; le mien l’aura sauvé de tous les périls. »

Outougamiz jugeait par la force de son amitié de la puissance de son génie tutélaire : il jugeait mal.

Une nuit, un Indien détaché du camp du Soleil annonça le retour de la tribu de l’Aigle. La nouvelle se répand dans les cabanes ; les familles s’assemblent sous un arbre, à la lueur des flambeaux, pour écouter les cris d’arrivée : Outougamiz et Céluta sont les premiers au rendez-vous.

On entend d’abord le cri d’avertissement de l’approche des guerriers : toutes les oreilles s’inclinent, toutes les têtes se penchent en avant ; toutes les bouches s’entr’ouvrent, tous les yeux se fixent, tous