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Et plus rapides que la chute du fleuve,
elles accomplirent leur destinée.

Outougamiz s’arrêta un moment après ces mots puis ajouta : « Oui, c’est là notre devoir à tous deux : dites le secret à René, quand René reviendra ; moi je dirai votre secret aux sachems. Si mon ami a le temps de se sauver, ma joie sera comme celle du ciel ; mais soyez prompte, car il faut que je révèle ce que vous allez faire. »

Le simple et sublime jeune homme s’éloigna. Ondouré était revenu du conseil l’esprit agité : la majorité de l’assemblée s’était prononcée contre son opinion. Le crime perdait aux yeux de cet homme la plus grande partie de son charme, si René n’était enveloppé dans le massacre et si Céluta n’était le prix du forfait. Il résolut de se rendre à la demeure de cette femme, que tout semblait abandonner jusqu’à Outougamiz lui-même. Peut-être Céluta avait-elle reçu quelques nouvelles de René ; peut-être était-ce cette épouse ingénieuse et fidèle qui avait dérobé les roseaux du temple : il importait au tuteur du Soleil de s’éclairer sur ces deux points.

Il arriva à la cabane de Céluta au moment où la sœur d’Outougamiz venait d’en sortir, attirée au dehors par les cris de son frère. L’intérieur de la hutte était à peine éclairé par une lampe suspendue au foyer. Ondouré visita tous les coins de cet asile de la douleur ; il ne trouva personne, excepté la fille de René, qui dormait dans un berceau, auprès du lit de sa mère, et qu’il fut tenté de plonger dans un éternel sommeil.

La couche de la veuve et de l’enfant, au lieu d’appeler dans le cœur du monstre la pitié et le remords, n’y réveilla que les feux de l’amour et de la jalousie. Ondouré sentit une flamme rapide courir dans la moelle de ses os : ses yeux se chargèrent de voluptés, ses sens s’embrasèrent : l’obscurité, la solitude et le silence sollicitaient le désir. Ondouré se précipite sur la couche pudique de Céluta et lui prodigue les embrassements et les caresses ; il y cherche l’empreinte des grâces d’une femme ; il y colle ses lèvres avides et couvre de baisers ardents les plis du voile qui avaient pu toucher ou la bouche ou le sein de la beauté. Dans sa frénésie, il jure qu’il périra ou qu’il obtiendra la réalité des plaisirs dont la seule image allume le désir des passions dans son âme. Mais Céluta, qui pleure au