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Analyse raisonnée


de saint Louis stipulent qu’un gentilhomme coupable du déshonneur d’une fille de famille sera pendu. Il y avait, ce cas échéant, égalité de supplice pour le noble et le roturier ; on supposait "que le crime faisait déroger. Depuis, les gentilshommes ont prétendu qu’il y avait des crimes de race, comme il y avait une noblesse d’extraction ; et ils ont réclamé le privilège de l’échafaud.

Les regrets du roi et du peuple vengèrent Marigny. En ce temps-là l’imagination des hommes, plus sensible parce qu’il y avait plus de foi en ; toute chose, expiait les fautes des passions : une calamité générale qui survenait (comme il arriva alors), après une injustice individuelle, était prise pour un châtiment du ciel : Dieu, juge en dernier ressort, établissait, pensait-on, la peine auprès de la prévarication ; grave système qui liait par la morale les destinées de tout un peuple à l’iniquité accomplie sur un seul homme ; système sans danger qui n’affaiblissait point le pouvoir en lui commandant le repentir, parce que l’ordre émanait de la puissance éternelle.

Mais si la civilisation recula dans l’ordre civil à propos du supplice d’Enguerrand, la voici qui avance dans l’ordre politique. Louis le Hutin publia, le 3 juillet 1315, des lettres qui méritent d’être rapportées, pour l’honneur des rois francs et du peuple franc,

« Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, etc.

« Comme selon le droit de nature chacun doit naistre franc, et par aucuns usages ou coustumes qui de grant ancienneté ont esté introduites et gardées jusques cy en nostre royaume, et par adventure pour le meffet de leurs prédécesseurs, moult de personnes de nostre commun peuple soient encheües en lien de servitudes et de diverses conditions, qui moult nous desplaist : Nous, considérants que nostre royaume est dit et nommé le royaume des Francs, et voulants que la chose en vérité soit accordante au nom, et que la condition des gents amende de nous en la venue de nostre nouvel gouvernement : Par délibération de nostre grand conseil, avons ordené et ordenons que generaument par tout nostre royaume, de tant comme il peut appartenir à nous et à nos successeurs, toutes