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nuits à lire dans les astres sans y découvrir le nom de Dieu. Quoi ! dans des figures si variées, dans une si grande diversité de caractères, on ne peut trouver les lettres qui suffisent à son nom ! Le problème de la Divinité n’est-il point résolu dans le calcul mystérieux de tant de soleils ? une algèbre aussi brillante ne peut-elle servir à dégager la grande Inconnue ?

La première objection astronomique que l’on fait au système de Moïse se tire de la sphère céleste : « Comment le monde est-il si nouveau ! s’écrie-t-on. La seule composition de la sphère suppose des millions d’années. »

Aussi est-il vrai que l’astronomie est une des premières sciences que les hommes aient cultivées. M. Bailly prouve que les patriarches avant Noé connaissoient la période de six cents ans, l’année de 365 jours 5 heures 51 minutes 36 secondes ; enfin, qu’ils avaient nommé les six jours de la création d’après l’ordre planétaire[1]. Puisque les races primitives étoient déjà si savantes dans l’histoire du ciel, n’est-il pas très-probable que les temps écoulés depuis le déluge ont été plus que suffisants pour nous donner le système astronomique tel que nous l’avons aujourd’hui ? Il est impossible, d’ailleurs, de rien prononcer de certain sur le temps nécessaire au développement d’une science. Depuis Copernic jusqu’à Newton, l’astronomie a plus fait de progrès en moins d’un siècle qu’elle n’en avoit fait auparavant dans le cours de trois mille ans. On peut comparer les sciences à des régions coupées de plaines et de montagnes : on avance à grands pas dans les premières, mais quand on est parvenu au pied des secondes, on perd un temps infini à découvrir les sentiers et à franchir les sommets d’où l’on descend dans l’autre plaine. Il ne faut donc pas conclure que, puisque l’astronomie est restée quatre mille ans dans son âge moyen, elle a dû être des myriades de siècles dans son berceau : cela contredit tout ce qu’on sait de l’histoire et de la marche de l’esprit humain.

La seconde objection se déduit des époques historiques liées aux observations astronomiques des peuples, et en particulier de celles des Chaldéens et des Indiens.

Nous répondons, à l’égard des premières, qu’on sait que les sept cent vingt mille ans dont ils se vantoient se réduisent à mille neuf cent trois ans[2].

Quant aux observations des Indiens, celles qui sont appuyées sur

  1. Bail., Hist. de l’Astr. anc.
  2. Les tables de ces observations, faites à Babylone avant l’arrivée d’Alexandre, furent envoyées par Callisthène à Aristote. Voyez Bailly.