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orbites planétaires. Mais Dieu confond encore l’orgueil de l’homme, en accordant aux jeux de l’innocence ce qu’il refuse aux recherches de la philosophie : des enfants découvrent le télescope. Galilée perfectionne l’instrument nouveau ; alors les chemins de l’immensité s’abrègent, le génie de l’homme abaisse la hauteur des cieux, et les astres descendent pour se faire mesurer.

Tant de découvertes en annonçoient de plus grandes encore, et l’on étoit trop près du sanctuaire de la nature pour qu’on fût longtemps sans y pénétrer. Il ne manquoit plus que des méthodes propres à décharger l’esprit des calculs énormes dont il étoit écrasé. Bientôt Descartes osa transporter au grand Tout les lois physiques de notre globe ; et, par un de ces traits de génie dont on compte à peine quatre ou cinq dans l’histoire, il força l’algèbre à s’unir à la géométrie, comme la parole à la pensée. Newton n’eut plus qu’à mettre à l’œuvre les matériaux que tant de mains lui avoient préparés, mais il le fit en artiste sublime ; et des divers plans sur lesquels il pouvoit relever l’édifice des globes, il choisit peut-être le dessein de Dieu. L’esprit connut l’ordre que l’œil admiroit ; les balances d’or, qu’Homère et l’Écriture donnent au souverain Arbitre, lui furent rendues ; la comète se soumit ; à travers l’immensité la planète attira la planète ; la mer sentit la pression de deux vastes vaisseaux qui flottent à des millions de lieues de sa surface ; depuis le soleil jusqu’au moindre atome, tout se maintint dans un admirable équilibre : il n’y eut plus que le cœur de l’homme qui manqua de contre-poids dans la nature.

Qui l’auroit pu penser ? le moment où l’on découvrit tant de nouvelles preuves de la grandeur et de la sagesse de la Providence fut celui-là même où l’on ferma davantage les yeux sur la lumière : non toutefois que ces hommes immortels, Copernic, Tycho-Brahé, Kepler, Leibnitz, Newton, fussent des athées ; mais leurs successeurs, par une fatalité inexplicable, s’imaginèrent tenir Dieu dans leurs creusets et dans leurs télescopes, parce qu’ils y voyoient quelques-uns des éléments sur lesquels l’Intelligence universelle a fondé les mondes. Lorsqu’on a été témoin des jours de notre révolution ; lorsqu’on songe que c’est à la vanité du savoir que nous devons presque tous nos malheurs, n’est-on pas tenté de croire que l’homme a été sur le point de périr de nouveau pour avoir porté une seconde fois la main sur le fruit de la science ? et que ceci nous soit matière de réflexion sur la faute originelle : les siècles savants ont toujours touché aux siècles de destruction.

Il nous semble pourtant bien infortuné, l’astronome qui passe les