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par l’histoire sont aussi peu satisfaisantes qu’inutiles à rechercher. Et certes on ne peut nier que c’est assez mal établir la durée du monde que d’en prendre la base dans la vie humaine. Quoi ! c’est par la succession rapide d’ombres d’un moment que l’on prétend nous démontrer la permanence et la réalité des choses ! c’est par des décombres qu’on veut nous prouver une société sans commencement et sans fin ! Faut-il donc beaucoup de jours pour amasser beaucoup de ruines ? Que le monde seroit vieux si l’on comptoit ses années par ses débris !

CHAPITRE III.

Astronomie.



On cherche dans l’histoire du firmament les secondes preuves de l’antiquité du monde et des erreurs de l’Écriture. Ainsi, les cieux, qui racontent la gloire du Très-Haut à tous les hommes, et dont le langage est entendu de tous les peuples[1], ne disent rien à l’incrédule. Heureusement ce ne sont pas les astres qui sont muets, ce sont les athées qui sont sourds.

L’astronomie doit sa naissance à des pasteurs. Dans les déserts de la création nouvelle, les premiers humains voyoient se jouer autour d’eux leurs familles et leurs troupeaux. Heureux jusqu’au fond de l’âme, une prévoyance inutile ne détruisoit point leur bonheur. Dans le départ des oiseaux de l’automne ils ne remarquoient point la fuite des années, et la chute des feuilles ne les avertissoit que du retour des frimas. Lorsque le coteau prochain avoit donné toutes ses herbes à leurs brebis, montés sur leurs chariots couverts de peaux, avec leurs fils et leurs épouses, ils alloient à travers les bois chercher quelque fleuve ignoré, où la fraîcheur des ombrages et la beauté des solitudes les invitoient à se fixer de nouveau.

Mais il falloit une boussole pour se conduire dans ces forêts sans chemins et le long de ces fleuves sans navigateurs ; on se confia naturellement à la foi des étoiles, on se dirigea sur leurs cours. Législateurs et guides, ils réglèrent la tonte des brebis et les migrations lointaines. Chaque famille s’attacha aux pas d’une constellation ; chaque astre marchoit à la tête d’un troupeau. À mesure que les pasteurs se livroient à ces études, ils découvroient de nouvelles lois. En ce temps-là Dieu se plaisoit à dévoiler les routes du soleil aux habi-

  1. Ps. XVIII, v. 1-3.